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Les parlementaires n’ouvrent pas la PMA : ils font le strike d’une loi sexiste, lesbophobe, transphobe et grossophobe.

Les mobilisations pour l’ouverture de la PMA à touTEs ont été portées par des revendications de protection et de traitement non-discriminatoire des femmes seules, des personnes trans, des couples lesbiens, de nos familles. Le dessein était celui de la reconnaissance  de la diversité des familles au regard du droit, et leur protection.

Deux enjeux principaux sont aujourd’hui soulevés par les concernéEs : la prise en charge des frais de PMA par la sécurité sociale et l’établissement d’une filiation sécuritaire et égalitaire.

Sur ces questions le texte de loi bioéthique voté par le Sénat le 4 février 2020 est un texte dangereux et porteur d’inégalités.

 

Retour sur le texte voté par l’Assemblée Nationale

Résumons la situation face à laquelle le Sénat se trouvait : l’institution a reçu de l’Assemblée Nationale une version du projet de loi bioéthique déjà largement discutable. 

L’Assemblée Nationale avait notamment fait les choix de priver les personnes trans d’un accès à la PMA, de permettre les mutilations commises sur les enfants intersexes, de ne pas automatiser les transcriptions d’actes de naissances établis à l’étranger pour les enfants issus de GPA sur les registres français.

Concernant l’ouverture de la PMA aux couples de femmes celle-ci allait de pair avec une nouveauté injustifiée en droit de la filiation: la reconnaissance préalable devant notaire, payante et inutile.

Enfin, acteur d’un système grossophobe, l’Assemblée Nationale n’a pas pris une minute de son temps pour permettre que la PMA soit, dans les faits, ouverte aux personnes dont l’IMC est supérieur à 30, aujourd’hui largement exclues de facto du processus, de façon discriminatoire.

 

Les modifications du Sénat concernant la PMA

 

Le remboursement retiré…

Concernant la PMA, bien que son « ouverture » aux couples lesbiens et aux femmes seules ait été votée par le Sénat, les conditions d’accès sont davantage restrictives et stigmatisantes,  la fermant finalement largement. 

Dans un élan lesbophobe qui n’étonne personne, le Sénat a d’abord pris le parti d’une discrimination financière. Le choix s’est porté sur une limitation du remboursement de la PMA aux causes médicales d’infertilité, présupposant ainsi une possibilité de procréation biologique : excluant de fait les couples lesbiens et les femmes seules.

Notons, non sans amertume, qu’actuellement les couples hétérosexuels peuvent prétendre au remboursement de leurs PMA quand bien même l’infertilité d’un des membres ne serait pas médicalement avérée.

 

…L’adoption imposée

Ensuite, le Sénat affirme une volonté de hiérarchiser les liens biologiques et les liens sociaux, et à travers eux, les identités, les sexualités et les familles.

Alors que le gouvernement et l’Assemblée Nationale avaient injustement proposés une reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire par les deux mères – mesure payante que les couples hétérosexuels n’ont pas besoin d’exécuter et qui vient s’ajouter à l’acte de consentement préalable – le Sénat a accentué la discrimination en votant la nécessité pour la mère n’ayant pas porté l’enfant de passer par une procédure d’adoption.  

L’argument avancé par les parlementaires porteurs de l’amendement est que le  « critère de volonté » pour les deux mères aboutirait à un bouleversement  des « principes fondamentaux » du système actuel de filiation, qui s’appuierait sur les liens biologiques. 

Or, s’il est vrai qu’en théorie, le droit français recherche une concordance entre les origines biologiques et la filiation juridique, il en est autrement en pratique. Il serait difficile de ne pas constater un décrochage organisé par le droit entre la filiation comme construction juridique d’une part, et les origines génétiques d’autres part. Comme exemples illustratifs, il convient de rappeler qu’il est possible en droit de n’avoir qu’un seul parent, des parents qui ne sont pas les géniteurs, un parent sur deux qui n’est pas géniteur : reconnaissance de l’enfant du conjoint, présomption de paternité, possession d’état, filiation suite aux PMA avec tiers donneurs par des couples hétérosexuels, adoption.

 Le système juridique de filiation s’est ainsi adapté à la diversité des familles. Il a rompu avec la nécessaire concordance entre la filiation et la biologie. 

Alors que les pères ayant recours à une PMA avec donneur voient leur lien de filiation établi automatiquement grâce au consentement préalable à l’insémination, le Sénat impose à la femme du couple lesbien qui n’a pas porté l’enfant de l’adopter.  

Nos familles sans pères existent. En créant des modalités de filiation d’exception les parlementaires nous mettent délibérément en danger.

 

Nos vies méprisées de manière éhontée

Cette nouvelle version du projet de loi ne semble s’inscrire que dans une politique du faux-semblant ; sous l’illusion de réponse à des revendications et réalités sociales, il n’y a que le mépris de la parole et de l’existence-même des concernéEs. La loi bioéthique telle que votée par le Sénat suinte le mépris, avec de violents relents de lesphobie, de transphobie, de classisme, de grossophobie.

Concrètement la PMA continuera à n’être envisageable que pour les femmes seules ou en couple qui ont les moyens de débourser plusieurs milliers d’euros en procédures médicales et juridiques. Quels changements concrets ? L’argent dépensé pour le processus médical ira dans les caisses françaises (et non espagnoles ou belges).  

Parlementaires, qui êtes-vous pour faire délibérément le choix de, nous exclure, nous appauvrir, nous condamner à l’incertitude, et mettre nos vies, nos familles et nos enfants en danger ? 

L’autonomie des femmes et des personnes trans ainsi que la libre disposition de leurs corps n’est pas négociable. Nous nous opposons à ce que nos vies, nos amours, nos corps, nos familles soient stigmatisés. Nos familles existent que vous le vouliez ou non.

Après 8 ans de promesses, votre mépris n’aura comme seule réponse notre haine.

 

Nos corps, nos vies, nos choix !

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Lettre ouverte à Stéphanie di Giusto, réalisatrice de « La Danseuse », de la part de FièrEs

« Tout ce qui est non-nommé, non-représenté, tout ce qui est omis dans les biographies, censuré dans les recueils épistolaires, tout ce qui est inadéquatement renommé et dont l’accès est complexifié, tout ce qui est enseveli dans la mémoire par l’effondrement du sens sous le poids d’un langage inapproprié ou mensonger – tout cela rejoindra non seulement l’innommé mais aussi l’innommable. »

Adrienne Rich

Madame,

Résumons. La Danseuse, votre premier film, dépeint la vie de Loïe Fuller, danseuse et chorégraphe états-unienne d’avant-garde. Icône de la Belle Époque, admirée pour ses audaces esthétiques et l’inventivité de ses créations, cette pionnière de la danse moderne est restée célèbre pour sa fameuse “Danse Serpentine”. Pionnière, elle le fut aussi dans sa vie personnelle : ayant rompu un mariage dont rien ne nous permet de savoir s’il fut réellement désiré, elle vécut ouvertement son amour avec Gabrielle Bloch, sa compagne, son associée et sa collaboratrice, trente années durant.

Vous avez réalisé un film sur la vie de cette artiste et avez dû faire des choix “artistiques”… Soit. Mais ce que vous avez choisi de gommer, ce que vous vous êtes permis de considérer comme anecdotique ou insignifiant, altère profondément le sens que Loïe Fuller avait choisi de donner à son existence. En censurant le lesbianisme de Loïe Fuller, pour lui imposer une relation hétérosexuelle, avec un personnage masculin inventé de toutes pièces, vous ne faites pas un choix artistique, mais un choix politique : vous niez à votre sujet le droit et la capacité à s’être constitué une existence libre et indépendante de toute présence masculine, à contre-courant des moeurs de son temps.

Ce que vous refusez de comprendre c’est que, loin d’être anecdotiques, ses choix sont profondément liés à ses positions esthétiques d’avant-garde. En faisant de Gabrielle Bloch une simple collaboratrice, vous avez réduit trente années de relation et de complicité artistique à quelques regards et soupirs sibyllins. Mais vous qui êtes une artiste, ne pouvez-vous donc pas comprendre l’importance de la vie personnelle d’une créatrice dans ses choix artistiques ? Comme le souligne Catherine Gonnard, le fait que Loïe Fuller ait choisi de créer une compagnie avec des femmes est loin d’être anodin : “elle ne travaille qu’avec des femmes… Ce sont des choix, c’est tout un engagement à l’époque. Un mode de vie lesbien, ce n’est pas juste coucher avec une femme. À une époque où les hommes sont partout, elle décentre les regards. Alors que les hommes jusque-là se sont tous autoproclamés, une femme peut d’un coup décider qui est important. » Dans ces conditions, vous comprendrez que ce que vous appelez “votre liberté artistique” constitue une mécompréhension complète de celle de Loïe Fuller, qu’elle a défendu toute sa vie.

Sans compter qu’en plus d’être lesbophobe, votre perspective est sexiste : une figure de femme « toute seule », c’est-à-dire sans homme vous dérange à ce point ? Vous faut-il donc un personnage masculin pour rétablir “l’équilibre” ? Fallait-il réellement à Loïe Fuller un protecteur pour être “complète” ? Au passage, vous avez une drôle de conception de la “séduction” entre un homme et une femme : outrepasser le consentement d’une personne, insister et s’imposer, jusqu’à faire céder, n’a rien de romantique ni d’érotique. Ce sont des rapports de domination sexistes, qui portent un nom : la culture du viol.

Mais ce n’est cependant pas la seule liberté sexiste que vous prenez avec la vie de votre sujet ; votre film en est saturé jusqu’à l’écoeurement. Lorsque vous choisissez de représenter la mère de Loïe Fuller vous en faites l’archétype de la marâtre, alors qu’elle a pris soin de préciser dans son autobiographie que sa mère l’a soutenue toute sa vie, qu’elle lui a permis de faire ses débuts sur scène très jeune sans l’y forcer ni l’en empêcher… Vous dénaturez toutes les relations féminines que Loïe a entretenues avec une constance rare : quel “hommage” en effet ! Et quand vous nous gratifiez d’un moment « lesbien », entre Loïe et Isadora Duncan, c’est pour tomber dans le cliché éculé de la séduction manipulatrice : car quelle motivation autre que le désir d’humilier pourrait présider à un baiser entre deux femmes ?

Voici donc la réalité des “libertés artistiques” que vous vous permettez de porter à l’écran : plutôt qu’un amour lesbien, que vous estimez vu et revu, vous préférez représenter un viol hétérosexuel, ou un baiser torride entre deux filles, digne d’une introduction de film X mainstream. Quelle originalité…

Ne mâchons pas nos mots : vous n’avez pas fait un film sur Loïe Fuller. Vous avez réalisé une “énième” vie d’artiste torturée, en vous servant du nom de Loïe Fuller pour la vendre à vos producteurs. Par paresse, ou conformisme, vous avez commis un “énième film” hétérosexuel, sans chercher à comprendre (ou peut-être sans pouvoir comprendre) le lien entre la vie et l’oeuvre d’une artiste. Dommage pour un biopic.

FièrEs

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« Elle » fait bander les critiques ; il est à gerber

« Elle » de Paul Verhoeven, sorti à Cannes et sur nos écrans cette semaine, explose les scores du box-office, bénéficie d’un plan com’ bien rôdé et d’une déferlante de critiques dithyrambiques. Le secret du succès ? Surfer sur la vague malheureusement bien connue de la culture du viol.

Il est génial ce film, il permet aux journalistes pourfendeurs de la bien-pensance de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas : les femmes, au fond, elles aiment quand on les force. Ça les fait mouiller, ça les fait jouir, voire même, il n’y a que ça qui les excite : quand les hommes les frappent, les mettent à terre, les empêchent de se débattre, les insultent et jouissent en 3 secondes avant de repartir vaquer à leurs occupations. Ça, c’est le fantasme des femmes. Et heureusement que quelques cinéastes courageux et révolutionnaires osent le montrer. Y’en a marre de cette dictature du consentement et du plaisir féminin, franchement !

Breaking news : dans une société patriarcale où la plupart des discours sont produits et relayés par les hommes, même les femmes ont fini par croire qu’elles fantasmaient sur les violences dont elles sont victimes. Le patriarcat reste un système malin, sournois, et encore très performant en 2016, qui permet à la misogynie la plus crasse d’être intériorisée par les femmes. Mais malgré ce qu’ils essaient de nous faire croire, le viol est d’abord le fantasme de ces hommes qui écrivent et qui filment.

Alors « Elle », film « jouissif », « subversif », « jubilatoire » ? « Thriller érotique » (20minutes.fr) à propos d’une « violente agression » (joli euphémisme de L’Express) ? Plutôt une apologie du viol comme on en a rarement vue, en mode « voilà ce qu’attendent toutes les quinquas sexy dans leurs maisons bourgeoises ». Non seulement elle aime ça, mais elle en redemande, elle entre dans une relation presque affective (carrément !) avec son violeur qui est un chic type « à l’âme torturée » et dont l’épouse remerciera l’héroïne de lui avoir donné ce dont il avait besoin ! [Attention, on vous spoile et on s’en cogne]

La suite à lire ici !

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Modèle de lettre à envoyer aux fabricants & magasins de jouets et aux publicitaires

A l’attention des fabricants de jouets, des magasins et des publicitaires

STOP aux jouets sexistes !

Depuis une dizaine d’années, nous voyons le marketing des jouets pour enfants devenir de plus en plus genré. Même des marques « neutres » il y a 20 ans, telles que Lego, croient désormais capter l’air du temps en développant des lignes pour garçons et pour filles, en s’habillant en bleu et rose. Or, à un âge où elles et ils se construisent, où les modèles ont une grande importance, les enfants sont les premier.e.s touché.e.s par ce sexisme.

Le sexisme, c’est penser que les jouets de repassage, de cuisine, de pouponnage sont naturellement faits pour les petites filles. Que les jeux violents, de construction, de bricolage, sont naturellement faits pour les petits garçons. Rappelons que jusqu’à présent la science n’a pas démontré l’existence d’un gène du ménage ou du foot !

Les jouets sont l’un des vecteurs de ces représentations sexistes. Ils habituent les enfants à trouver acceptables, et même légitimes, les inégalités entre femmes et hommes dont ils et elles seront témoins tout au long de leur vie.

Donnons les moyens à nos enfants de pouvoir un jour vivre dans une véritable société égalitaire où ce qui les définira ne sera pas leur sexe ou leur genre mais leur personnalité, leurs qualités, leurs défauts, leurs passions !

Il suffirait peut-être de retirer les piles, de démonter le mécanisme : montrons des cuisiniers et des mécaniciennes, des maîtres d’école et des super-héroïnes, des infirmiers et des joueuses de rugby. Acceptons que les poupées servent à jouer au papa comme à la maman.

Au nom de quoi avez-vous décrété que les filles détesteraient les voitures télécommandées ou que les garçons ne supporteraient pas de « jouer au marchand » ? C’est aux adultes et à la société de faire en sorte de ne pas leur fermer des horizons. C’est notre responsabilité. C’est votre responsabilité.

Oui, les modes de cour de récré sont au rose pour les filles, aux super-héros pour les garçons, et par mimétisme, les enfants respectent généralement le choix majoritaire en réclamant ces jouets à leurs parents. Avec vos publicités, vos emballages, vos catalogues, votre « ciblage marketing », vous êtes responsables de cet état de fait.

C’est un poids qui pèse sur les parents qui essaient d’élever leurs enfants dans une culture non-sexiste. C’est une violence extrême pour tous les enfants qui, en dépit de la pression du mimétisme et du marketing, souhaitent des jouets rangés dans le rayon du sexe opposé.

Comment les enfants se sentiraient libres de choisir les jouets qui leur plaisent dans des magasins séparant explicitement le rayon « pour les filles » et le rayon « pour les garçons » ?

En modelant leur publicité sur les stéréotypes associés aux genres, les publicitaires ont fini par figer ces stéréotypes et à les ancrer dans l’imaginaire collectif.

Nous ne laisserons pas le marketing, les magasins et fabricants de jouets décider pour nous de quel modèle de société nous voulons ! Vivre dans une société non-sexiste commence par donner la possibilité aux enfants de s’interroger sur leurs propre goûts et envies, de les laisser tâtonner et se découvrir, pas de leur imposer un modèle de ce qu’ils devraient être en tant que filles ou garçons et de les rabaisser si elles et ils sortent du moule.

Magasins, qu’avez-vous à perdre en organisant les jouets dans vos rayons et catalogues par types d’activités ? Fabricants et publicitaires, n’avez-vous donc aucun remords quand vous continuez à mettre des filles sur les emballages d’aspirateurs et de cuisinières, et des garçons sur les panoplies de médecins et de maçons ? Ne vous sentez-vous jamais coupables de faire le lit des inégalités femmes-hommes ?

Prenez vos responsabilités. Nous avons le devoir de permettre aux enfants d’être et de devenir ce qu’ils souhaitent. Nous avons le devoir de leur construire une société égalitaire.

Nous exigeons que vous changiez vos publicités, vos emballages, votre façon de penser le marketing, pour que les enfants ne demandent plus des jouets « pour les filles » ou « pour les garçons » mais des jouets qu’elles et ils aiment !

Téléchargez ici les adresses postales et emails des principaux magasins, fabricants de jouets, publicitaires… où vous pourrez envoyer la lettre :

Adresses et mails des marques et magasins

Tribunes

[Tribune] PMA : nous n’y renoncerons pas

Les associations FièrEs et L’autre maman interpellent Dominique Bertinotti, ministre de la famille, sur le nouveau report – après les municipales – de la PMA pour toutes les femmes.« Ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires », affirment-elles, mettrait simplement fin à une « discrimination uniquement fondée sur l’orientation sexuelle et le patriarcat ».

Une tribune publiée sur le blog de Mediapart et à lire ici